Lieutenant Kijé
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Nous a rejoint le : 20/08/2020
Quartier : Eastie
Emploi : Assistant de galerie
Avatar : Manny Jacinto
Provenance : Anecdote satirique russe
double compte : Carl von Clausewitz
# Lieutenant Kijé ✒️ Inconnu au bataillon le : Jeu 20 Aoû - 21:34
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ft. Manny Jacinto
caractère du personnage & anecdotes
Mais enfin, qui donc est ce lieutenant dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vu ? Au début, ce n’était rien : une coquille, l’erreur d’un secrétaire fatigué ou distrait, une lettre en trop qui donnait l’impression qu’un lieutenant Kijé était apparu dans les registres (le russe est vraiment une langue formidable !). Le document erroné passa sans encombres sous le regard vétilleux du tsar Paul, qui, d’un coup de cachet, lança la carrière du lieutenant Kijé. Cet officier modèle, à qui l’on ne trouvait jamais rien à reprocher, monta petit à petit en grade, à l’ancienneté, jusqu’à devenir colonel. Ne sachant que trop ce que valaient ses officiers — il en avait déjà envoyé la moitié rejoindre la Sibérie à pied, et l’autre moitié était en sursis —, le tsar finit par demander qu’on lui présente ce colonel à la perfection suspecte. Consternation alors de tous les généraux : de Minsk à Ekaterinburg, de Tsaritsyne à Krasnoïarsk, il n’y avait de Kijé dans aucun régiment.
Ah, si tout cela était arrivé sous le règne de la grande Catherine ! Les généraux embarrassés auraient raconté leur affaire à Potemkine ; le cyclope aurait expliqué à l’impératrice cette charmante erreur, elle en aurait ri, ils auraient fait l’amour, et le lendemain tout aurait été oublié. Mais Paul n’était pas comme sa mère, c’était même son seul principe de gouvernement. Il ne pardonnait ni n’oubliait rien, surtout les plus petites fautes. Aussi, après avoir inventé quelques prétextes aux retards de Kijé, pour échapper à la menace de la Sibérie, les généraux se résolurent à porter une terrible nouvelle au tsar : le colonel venait de mourir.
“Dommage !” s’exclama Paul. “C’était un brave officier.”
On pourrait encore rajouter des péripéties, développées avec délectation par ceux qui se sont emparés de l’histoire : le mariage de Kijé avec une dame d’atour de l’impératrice, son rôle de parfait bouc émissaire et l’exil en Sibérie qui en résulta, ou encore un autre trait de plume malencontreux, qui plaça un autre lieutenant, celui-là bien vivant, parmi les morts… et dire que Kijé n’était là pour aucun des exploits qui l’ont rendu célèbre.
Un jour pourtant, il se réveilla. Ni dans le cercueil du colonel, ni dans l’appartement du lieutenant, ni dans sa chambre de jeune marié, mais dans une carcasse fort difficile à manier pour un être jusque-là “secret et sans corps”. La carcasse en question occupait un studio rempli d’accessoires étranges, qui ne disaient rien à Kijé. Forcément, même s’il avait vraiment vécu à Gatchina, ce palais-caserne où Catherine avait consigné son fils pour mieux lui brider l’esprit, le lieutenant de papier n’aurait jamais vu de chevalet, de toiles, de brosses, de pinceaux, bref, rien de ce qui occupe le quotidien d’un artiste, sans parler de toutes les convenances modernes qui n’existaient pas en 1800.
Les premiers pas de Kijé dans le vaste monde furent difficiles, surtout au moment de descendre les escaliers. Cependant, il finit par trouver des gens qui le reconnaissaient, et qu’il ne reconnaissait pas, naturellement, pas plus que le nom qu’ils lui donnaient. Les réincarnations n’étonnaient plus guère, désormais ; mais Kijé arrivait à surprendre, car personne ne comprenait pourquoi il avait la tête aussi vide, et ce n’était certes pas lui qui pouvait éclairer ce mystère. Ce n’est pourtant pas faute de déborder de questions ! Il en a sur tous les sujets, y compris les plus sensibles, et les pose avec l’audace des imbéciles.
Quant à nourrir la machine qui sert à formuler toutes ces interrogations, une galeriste chez qui l’autre avait fait quelques expositions remarquées voulut bien y subvenir. Elle avait bien du mérite au début : même les tâches les plus simples ne le sont pas pour quelqu’un qui découvre tout juste la sensation d’exister. Petit à petit, cependant, Kijé a appris à faire un usage utile de sa diligence et de sa bonne volonté, révélant au passage une aptitude étonnante à trouver un sens aux oeuvres les plus abstraites.
Reste que Kijé n’est pas encore tiré d’affaire, d’autant qu’il a une hérédité chargée. Enfant de l’administration, il a hérité de sa myopie. Si son sens du détail est indéniable, indéniable aussi est son talent pour s’y noyer comme dans un verre d’eau. Il manque de vision d’ensemble, et, ne sachant pas encore ce qui est important dans la vie, il se laisse facilement absorber par des bagatelles. Comme l’administration aussi, il aime avoir des règles et un cadre précis, changeant aussi peu que possible. Malheureusement, le corpus dont il aurait besoin n’est écrit nulle part. C’est donc à lui de le faire : et dès qu’il croit avoir identifié une règle essentielle de la vie dans le monde réel, il est fâché quand les autres y dérogent, et ne manque pas de les reprendre — la notion de contexte n’appartient pas encore à son vocabulaire. Ce n’est quand même pas compliqué, de veiller à ce que chaque chose soit à sa place ! Il suffit de voir Kijé, qui met seulement un quart de ses journées à s’en assurer.
L’administration n’est pas non plus connue pour son sens critique. Quand on voit jusqu’où peut mener une erreur d’inattention ! Kijé est pire encore, il n’a même pas assez de dossiers constitués pour lui dire à quelle source il peut se fier, ou même ce qui est vraisemblable ou ce qui ne l’est pas. D’aucuns pourraient profiter de cette naïveté...
Kijé en sait encore moins long sur son père, le secrétaire, mais c’est certainement de lui qu’il a hérité sa distraction. Au moins, pour peu qu’il reste concentré sur ses phrases, le lieutenant a une écriture impeccable. On passera sur le fait qu’il ne sait écrire qu’en cyrillique, et que malgré tous ses efforts pour apprendre l’alphabet latin, il met toujours des “b” à la place des “v”, des “p” à la place des “r”, sans parler des lettres plus exotiques qu’il substitue aux “f”, “j” et autres “ch”. Et puis, fils de subalterne, il est fait pour rester lui-même subalterne ; il est tout à fait capable d’inventer des initiatives à prendre, mais quant à les faire suivre, c’est une compétence qu’il n’acquerra qu’avec des années de pratique, s’il l’acquiert un jour. En attendant, l’obéissance lui convient davantage, et il s’applique même à essayer de devancer les ordres. Malheureusement, ses qualités d’anticipation ne sont pas encore à la satisfaction de tout le monde.
Enfin, en tant qu'enfant abandonné, Kijé a eu un peu de mal avec l'acquisition du langage : si Settherdam n'était pas une ville extraordinaire, il en serait sans doute toujours au stade où il ne s'exprime qu'en aboyant des commandements en russe et en allemand, et par des formules alambiquées dont seuls les fonctionnaires ont le secret... Reste qu'il lui arrive encore souvent, quand on le surprend, de laisser échapper toute notion linguistique et de lâcher des mots complètement au hasard, quand ce n'est pas tout simplement son nom qui lui sert d'interjection.
L'azurée
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Nous a rejoint le : 29/05/2019
Quartier : UNKNOWN.
Emploi : UNKNOWN.
Provenance : UNKNOWN.
Statut civil : UNKNOWN.
# Re: Lieutenant Kijé ✒️ Inconnu au bataillon le : Jeu 20 Aoû - 22:52
tu es validé(e) !
"quand ce n'est pas tout simplement son nom qui lui sert d'interjection."
Sache que pour cette référence, je t'aime /PAN
Du coup la fiche est parfaite, rien à dire comme d'habitude; les références sont là, tout est niquel ! Tu es validé avec plaisir (et damn cet avatar), tu peux aller directement te recenser partout !
• Tout d'abord, si tu n'as pas encore signé le règlement, c'est par ici : Le règlement.
• Tu peux maintenant aller recenser l'oeuvre auquelle appartient ton personnage.
• Tu as un métier ? Et bien viens donc nous le dire ! • Et enfin le meilleur pour la fin, c'est le moment de recenser ton avatar Après, tu connais la chanson, tu peux aller demander un lieu rien que pour ton personnage; tu peux également te faire une fiche de liens pour te faire pleins d'amis (ou de d'ennemis) et enfin ouvrir une demande de RP. Bon jeu
Sache que pour cette référence, je t'aime /PAN
Du coup la fiche est parfaite, rien à dire comme d'habitude; les références sont là, tout est niquel ! Tu es validé avec plaisir (et damn cet avatar), tu peux aller directement te recenser partout !
les listings
Tu trouveras à la suite tous les liens à parcourir pour aller correctement te recenser avant de pouvoir tranquillement voguer sur la vague du RP. Point de panique, il y a très peu de choses à faire et c'est très rapide :• Tout d'abord, si tu n'as pas encore signé le règlement, c'est par ici : Le règlement.
• Tu peux maintenant aller recenser l'oeuvre auquelle appartient ton personnage.
• Tu as un métier ? Et bien viens donc nous le dire ! • Et enfin le meilleur pour la fin, c'est le moment de recenser ton avatar Après, tu connais la chanson, tu peux aller demander un lieu rien que pour ton personnage; tu peux également te faire une fiche de liens pour te faire pleins d'amis (ou de d'ennemis) et enfin ouvrir une demande de RP. Bon jeu
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